Derrière ce titre quelque peu accrocheur, voire provocateur, se cache en réalité les conclusions d'une nouvelle étude américaine publiée par la célèbre revue scientifique Nature sur le phénomène grandissant que sont les feux de forêt.
Et par extrapolation, cette nouvelle étude pourrait venir mettre à mal l'un des piliers de la stratégie Française de lutte contre les feux de forêt à savoir, l'attaque des feux naissants.
Petit rappel de la stratégie française de lutte contre les feux de forêt
La doctrine Française en matière d'intervention
Au sein du ministère de l'intérieur, c'est la Direction Générale de la Sécurité Civile et de la gestion des crises qui est en mesure de mobiliser d'importants moyens.
L'ordre d'opérations "feux de forêt" des services d'incendies et de secours (SIS) établit une hiérarchie claire des enjeux à protéger et est inclus dans le guide de doctrine opérationnelle feux de forêt et espaces naturels.
Il s'agit de protéger, par ordre de priorité:
les personnes
les biens
et enfin, l'environnement
La stratégie française de lutte contre les feux de forêt
L'attaque rapide des feux naissant est un pilier de la stratégie française de lutte contre les feux de forêt. Pour être traité efficacement notamment dans les zones où le risque est élevé, un feu doit être attaqué avant qu'il n'ait parcouru 1 hectare.
En période de risque élevé, les hectares laissent place aux minutes.
Dès lors, ce principe doit permettre d’attaquer tout feu dans les 10 minutes suivant sa détection.
Mais comment passer de la théorie à la pratique?
L'intervention repose, vous l'aurez compris, sur l'anticipation, la mobilisation prévisionnelle des moyens de lutte qu’il s’agisse des sapeurs-pompiers des différents SIS (déployés dans les massifs sensibles aux côtés des agents forestiers, des comités communaux feux de forêt…) ou des moyens nationaux qui y prennent toute leur part.
Nous vous décrivons régulièrement les différents moyens à disposition de la Sécurité Civile, notamment les moyens aériens car ce sont eux qui jouent un rôle prépondérant dans la stratégie d'attaque des feux naissants.
Grâce au guet aérien armé, dispositif unique de surveillance mis en place en France, les moyens aériens peuvent être rapidement les premiers sur les lieux d’un incendie.
Il appartient alors aux moyens terrestres d’exploiter leurs largages et d’achever l’extinction.
Dans les autres cas, les moyens aériens appuient l’action des équipes au sol. Sans eux, l’objectif d’intervenir en période de risques sur les départs de feu avec un délai inférieur à 10 minutes ne pourrait pas être atteint dans les secteurs difficiles d’accès.
Paradoxalement, cette stratégie qui a fait ses preuves durant de nombreuses années permettant ainsi d'éviter le pire (même si nous gardons tous en tête les terribles mégafeux de Gonfaron en 2021 dans le Var et ceux de Gironde en 2022) pourrait être mise à mal par les conclusions d'une nouvelle étude américaine.
Il ne faut pas éteindre TOUS les feux
En effet, les opérations de "suppression" des incendies, comprendre des opérations d'attaque rapides afin de les éteindre le plus vite possible, provoquent de futurs incendies avec une gravité plus élevée et dans des conditions plus hostiles, ce qui aggrave les impacts du changement climatique.
L'étude, publiée dans la revue scientifique de référence "Nature", constate que, bien que les efforts de suppression des incendies réduisent les surfaces brûlées, ils éliminent pratiquement la possibilité d'incendies d'intensité faible ou modérée.
Au contraire, ces efforts de suppression biaisent les incendies vers des comportements plus extrêmes, montrant également une augmentation substantielle de leur gravité.
La suppression des incendies provoque une accumulation du combustible
Grâce à des simulations informatiques et l'utilisation des différents modèles tenant compte des éléments fondamentaux du feu (les conditions météorologiques, l'humidité du combustible, les inflammations, la croissance du feu, la suppression des incendies et les effets écologiques), l'équipe de chercheurs a pu démontrer que des tentatives hypothétiques visant à supprimer tous les incendies de forêt engendreraient des incendies si violents que leurs effets destructeurs dépasseraient ceux de l’accumulation de carburant et du changement climatique.
Des feux plus rapides et plus graves
Les activités de suppression simulées ont provoqué des incendies de zones trois à cinq fois plus rapides sur une période de 240 ans dans l’ouest des États-Unis, par rapport à un monde sans action de ce type.
Par ailleurs, ces simulations ont également permis de mettre en lumière une gravité accrue d’une quantité équivalente à un siècle de changement climatique ou d’accumulation de combustible.
La main de l'homme sur la sélection naturelle
Les incendies de moindre gravité aident à perpétuer des forêts saines car ils brûlent des arbres à écorce mince.
L'action de l'homme, par la suppression de ces incendies, modifie-t-elle la sélection naturelle? La question reste en suspens.
L'équipe de recherche compare cela à la surprescription d'antibiotiques, expliquant que tenter d’éliminer tous les incendies n’aboutit qu’à l’éradication des incendies les moins intenses.
Quelle(s) solution(s)?
Le tableau dressé par l'équipe de recherche n'est pas totalement sombre car des solutions, certes contre intuitives, existent.
En effet, autoriser davantage d’incendies d’intensité faible ou modérée pourrait réduire ou inverser les dégâts causés jusqu’à présent.
Permettre aux incendies de brûler dans des conditions météorologiques modérées tout en supprimant ceux qui se produisent lors de conditions d'incendie plus dangereuses pourrait réduire la gravité moyenne des incendies
En résumé, en essayant d'éteindre tous les incendies, nous créons un avenir plus sombre pour le présent...
Comments